l’Arrêt Ipeelee

En 2012, plus d’une dizaine d’années après avoir rendu l’arrêt R. c. Gladue, la Cour suprême du Canada s’est penchée de nouveau sur l’alinéa 718(2)e) dans l’affaire R. c. Ipeelee. Elle a alors confirmé et approfondi son analyse des principes exposés pour la première fois, treize ans auparavant, dans l’arrêt Gladue.
L’affaire que l’on connaît maintenant sous le nom d’« Ipeelee » regroupe deux pourvois entendus simultanément par la Cour suprême du Canada.

Le premier met en cause Manasie Ipeelee, et le second, Frank Ralph Ladue. Ces deux affaires et la décision ont collectivement donné lieu à l’arrêt Ipeelee.
 
Au cœur de ce pourvoi se trouve la question de la détermination d’une peine juste pour des délinquants autochtones n’ayant pas respecté des ordonnances de surveillance de longue durée. Dans l’affaire Ipeelee, la Cour a profité de l’occasion pour examiner et faire valoir de nouveau les facteurs que les tribunaux doivent prendre en considération pour déterminer la peine d’un délinquant autochtone, y compris « l’oppression culturelle », la « pauvreté » et les « mauvais traitements subis dans les pensionnats ».

Voici un extrait du jugement Ipeelee (pdf) cité avec approbation le 29 mai 2013, dans R. c. Williams, 2013 BCSC 1082, au paragraphe 24.

[24] Je prends en compte également l’alinéa 718.2e) et les passages suivants de l’arrêt R. c. Ipeelee, 2012 CSC 13, [2012] 1 RCS 433, paragraphes 59 et 60 : 

  • Le juge qui détermine la peine à infliger à un délinquant autochtone doit tenir compte [des facteurs énoncés dans l’arrêt R. c. Gladue, 1999 CanLII 679 (CSC), [1999] 1 R.C.S. 688] : a) les facteurs systémiques ou historiques distinctifs qui peuvent être une des raisons pour lesquelles le délinquant autochtone se retrouve devant les tribunaux; b) les types de procédures de détermination de la peine et de sanctions qui, dans les circonstances, peuvent être appropriées à l’égard du délinquant en raison de son héritage ou de ses attaches autochtones […] 

  • Les tribunaux ont parfois hésité à prendre connaissance d’office des facteurs systémiques et historiques touchant les peuples autochtones dans la société canadienne [j’omets l’extrait du cas type]. En clair, les tribunaux doivent prendre connaissance d’office de questions telles que l’histoire de la colonisation, des déplacements de populations et des pensionnats et la façon dont ces événements se traduisent encore chez les Autochtones par un faible niveau de scolarité, des revenus peu élevés, un taux de chômage important, des abus graves d’alcool ou de drogues, un taux élevé de suicide et, bien entendu, un taux élevé d’incarcération. Ces facteurs ne justifient pas nécessairement à eux seuls l’imposition d’une peine différente aux délinquants autochtones. Ils établissent plutôt le cadre contextuel nécessaire pour comprendre et évaluer les renseignements propres à l’affaire fournis par l’avocat.

En 2015, un tribunal inférieur (R. c Armitage) a cherché à appliquer, dans sa décision, l’orientation donnée par la Cour suprême du Canada ainsi que la place du traumatisme historique dans le contexte des principes de l’arrêt Gladue.
RÉSUMÉ DE L'AFFAIRE R c GLADUE PAR LA CSC DANS L'AFFAIRE IPEELEE
La Cour suprême du Canada a statué que l’alinéa 718.2e) est plus qu’une simple réaffirmation des principes de détermination de la peine. En fait, la Cour enjoint

« […] aux juges d’aborder différemment le processus de détermination de la peine à l’égard des délinquants autochtones, pour en arriver à une peine véritablement adaptée et appropriée dans un cas donné ».

À NOTER : Dans sa directive, la Cour demande encore aux tribunaux d’imposer une sanction 1) adéquate compte tenu de l’infraction et du délinquant; 2) qui est juste.
Il est donc important de garder à l’esprit que le tribunal doit adapter sa méthode d’analyse si le délinquant est autochtone.